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Récits de Voyage - Île de Houat

 Au départ il y a le désir de rupture, le désir de prendre le large, de s’éloigner du monde trépidant. Puis il y a l’exaltation du risque : celui du choix d’un séjour en un lieu insolite.
Au départ il y a le séjour sur une petite île ; Houat. À l’arrivée il y a l’hébergement insolite au fort d’En Tal.

Pousser la porte de l’Océan et faire escale entre talus et collines sauvages, entre mer, plages et dunes mobiles ; voilà une villégiature à expérimenter.
Entrer tout droit et pour quelques nuits dans ce fort insulaire du XIXeme siècle édifié dans un environnement préservé, voilà de quoi retenir le vacancier impatient, l’empressé d’histoire, l’assoiffé de littoral, l’avide de faune et de flore insulaire.



 

Le navire MELVAN nous transporte sur la ligne maritime Quiberon/ île de Houat. Plongée dans les départs et dans les arrivées la gare maritime semble sens dessus-dessous mais tout est bien organisé, enregistré grâce à un personnel bien rodé aux règles ; elles imposent la sécurité.
Le soleil baisse dans ce ciel de fin d’après-midi et nous voguons. Abrités sous des casquettes ou des chapeaux les visages se rafraîchissent à la brise du large. Quiberon s’éloigne.

Fluidité de l’eau, fluidité du temps, soif d’évasion. Rêver en toute simplicité, ne rien faire. Juste se sentir libre et enthousiaste :

« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme »
Ch. Baudelaire, l’Homme et la mer.


Entre taches sombres et luminosité les contours de l’île se distinguent.
Se laisser conduire, attendre l’agitation signe de l’arrivée du Melvan dans le Port Saint Gildas.

 


 

C’est un plaisir de grimper la pente du débarcadère. À portée d’yeux l’écho sonore de l’univers marin dépayse.
Sacs au dos, marcher d’un pas léger vers la rue principale du bourg, accéder à ses discrètes maisons basses aux volets bleus et aux entrées fleuries d’hortensias et de roses trémières. 

 


 

Prendre tout son temps est nécessaire pour découvrir ce que recèle la vie d’ici. S’arrimer à l’autre côté du temps est nécessaire pour ressentir ce havre de paix, pour gouter aux charmes et à l’identité de l’île, pour gouter à sa douceur et entendre ses chuchotements.
 


 

À la sortie du bourg un sentier ensablé serpente en amont de la plage jusqu'au Fort d’EnTal, fortin édifié en 1846 sous Louis Philippe.
 


 

Tandis que nos pas évitent pour les préserver les racines de roses sauvages, les goélands aux pattes jaunes qui n’ont pas de temps à perdre voyagent au- dessus de nos têtes. Ces insatiables parleurs rasent l’océan, rasent la dune.
 


 

À cette heure, sur le pli des vagues défilent mille couleurs.
 


Pendant que nous prenons tout notre temps à découvrir ce lieu reposant, le fortin qui ne fut jamais armé attend. Beau et esthétique, construit sur le modèle de l’architecture militaire de Vauban, le fortin blotti au sein de son écrin stratégique et défensif nous attend.
May, notre hôtesse, nous y attend.

May visage tout sourire et à l’allure enlevée nous reçoit depuis le pont-levis. May gardienne du temps et des mémoires, May gardienne des souvenirs d’antan et de ceux de son enfance, May ambassadrice de quatre générations familiales.
 


 

Au Fort d’En Tal circule le XIXème siècle.  Basculement dans le temps d’avant, basculement vers une aventure touchante. Basculement vers l’époque où la famille de May acquit en 1918, le fortin déclassé pour y passer toutes ses vacances d’été.

Premiers moments dans cette hospitalité généreuse.
Avec une arrogante plénitude le siècle d’avant se raconte, s’anime. En toute humilité il s’offre.

 

                          

©May de Fougerolles collection privée

 

Halte sur les photos de famille couleur sépia. Elles s’exposent sur la console de l’entrée. Elles nous livrent l’élégance de l’arrière grand-mère de May appuyée sur son ombrelle, le spectacle illuminé par le défi de l’accostage du voilier familial sur la grève, la joie apportée par les repas pris en famille autour de l’immense table rectangulaire où nous prendrons dès le lendemain notre petit déjeuner brioché. Table familiale où se trouve la nappe brodée autrefois par Armelle la grand-mère de May.
Parfum puissant de bonheur et de tendresse partagés.

 

Entrer dans les siècles dérobés n’est pas si facile. Entrer dans ce kaléidoscope de vies réunies, d’histoires de villégiature marine, May, avec son sourire et ses souvenirs nous y aide. Elle nous fait honneur et accroche nos cœurs. Dans cet éternel retour du temps elle nous accompagne dans la visite de l’endroit.
Long couloir, chambres, salle d’eau, bibliothèque, cuisine, salle à manger. Meubles, bibelots, fauteuils se sont, au hasard des âges, installés dans les pièces. Nous croquons tour à tour leurs histoires et les informations livrées.




 

Ici tout nous retient ; ici le silence est léger.

 


 

Après une nuit paisible il est temps de passer les talus, de grimper sur les dunes, d’arpenter les deux plages immenses et vierges qui entourent le fort, de laisser l’empreinte de nos pas sur le sable blanc humidifié par la marée, d’admirer entre ciel et océan un panorama de bout du monde. Privilège de ce lieu généreux il draine des idées. Lieu pour perdre ses repères, lieu de yoga, de méditation, d’écriture, de peinture, de photographie…
 



 

Se laisser séduire par la force du paisible et l’accueil chaleureux, voilà qui  fouette le lâcher prise et tend vers l’harmonie.





 

Aujourd’hui, 18 kms de chemins côtiers nous attendent. Équipés de bouteilles d’eau et de crème solaire nous partons à l’aventure.
Nous descendons à la grève de la mer, longeons le cordon dunaire, nous trempons nos pieds dans l’eau fraîche et bleue avant de regagner le chemin côtier en direction du vieux port, en direction de Treac’h Beniguet où se trouve un second fortin militaire.
Échoués sur ce chemin sablonneux des plantes rampantes : l’œillet et le rosier des sables en prennent à leur aise.

 

 


Aucune raison de se perdre. Juste suivre les contours de l’île, suivre les sentiers en laissant la mer toujours à sa gauche.
L’océan empiète les dunes, lave les rochers, les submerge, les découvre. Diablerie des vents, magie des étreintes des éléments, rabotées, sculptées par l’érosion, les masses rocheuses surprennent l’imagination ; ici se dessine une tortue là un crocodile ailleurs un rapace!

 









 

Aux détours de la côte du nord au sud des falaises arides tombent à pic s’effritent. Il n’est rien de plus beau que cette nature sauvage et authentique. On s’habitue vite à l’audace de ces sentiers sans monotonie donnant sur un océan avec vue. On s’habitue vite à la chaleur, aux couleurs et au calme.
 


 

Au détour d’un virage, au détour d’un méandre, ici et là, par grappes des embarcations moissonnent la mer tandis que des voiliers y jettent l’ancre.

Une chaloupe sort du lot, s’aventure, glisse vers la crique isolée toute proche ; elle atteint la plage convoitée. L’homme porte une marinière, il extirpe son sac par dessus-bord. Tout un équipement de photographe professionnel arrose de ses focales la beauté de cette nature vierge environnante.


 

Tels des rubans les chemins se déroulent, tracent à travers la nudité du plateau. Des fleurs rampantes couvrent le sol d’un vert jaunâtre ; nous cheminons, sur cette île nous savons où nous allons.
Nous croisons par petites touches des touffes d’oyats et de lys maritime. Des goélands dorment sur les rochers à flanc de falaise d’autres protègent les nids.

 


 

 

Dérouter nos pas, pointer vers les fortifications du Fort Louis Philippe, y ressentir l’écho de l’histoire, faire une halte à l’éclosarium, être étonné par le monde microscopique marin. Sortir de cette fraîcheur, de cette source de jouvence, de cette biologie marine et rejoindre le sentier. Le retrouver là où nous l’avons laissé, poursuivre jusqu’à la prochaine étape.
La nature est talentueuse, la nature est pleine de charme et de rencontres authentiques.
Surprendre le papillon, cette Belle-Dame avide du nectar de l’arméria maritime, avoir la patience de fixer ses ailes colorées, déployées sur la pellicule.

 

Contourner le panicaut bleuté, nous le pensons chardon, il est carotte.
 



 

S’engouffrer dans une ambiance végétale différente, fuguer à l’assaut de cette sente, à l’assaut de son atmosphère intime, fuguer dans sa plate-bande de hautes fougères libres et foisonnantes. Aimer l’ombre de sa tranquillité trompeuse ; des insectes piqueurs ont envahi cette botanique !
L’entomologiste écrivain J.H Fabre aurait adoré y promener son infatigable regard.

 


 

L’océan toujours sur notre gauche, des montées, des descentes, un jeu d’escalier participent au décor de cette nature vierge, au décor de ce paysage séduisant.
 


 

Impossible d’échapper à la poésie !

Arrivés si près d’où nous venons, arrivés tout près du fortin d’En Tal, l’appétit aiguisé par notre longue balade, nous songeons à la gastronomie !
Nous craquons pour le repas aux saveurs de la mer, préparé par May.

 


 

 

L’heure de ranger les sacs est arrivée. Sous la chaleur d’un horizon toujours bleu, dernière visite au village, dernières rencontres, dernières émotions dans « la zenitude » de ce jardin terrasse face à la grande plage. Attablés devant une autre spécialité bretonne, la galette de sarrasin, nous vibrons de la forte identité de l’île.



 


Sans se presser gagner l’embarcadère. Jeter un regard en arrière sur cette vivante éternité, le moment d’en partir est arrivé.


Annie Bonnefemne